samedi 22 décembre 2007

Octoberman - Run From Safety


Octoberman est le nom de scène que s'est choisi Marc Morrisette pour incarner son passionnant projet musical. Natif de Vancouver, Morrisette a officié au sein du groupe indie Kids These Days avant de tenter l'aventure solo. Le titre de son 2ème opus sonne comme un mot d'ordre : Run From Safety. Fuir le confort du quotidien, les boulots alimentaires, oser la vie de musicien. Quitter son Canada natal, s'ouvrir au monde, comme les voyages en Europe et en Asie qui alimentèrent son premier album (These Trails Are Old and New). Et surtout s'extirper du carcan boisé du songwriter à guitare et harmonica. Marc Morrisette, assisté d'un backing-band plus que compétent, habille donc ses réflexions angoissées de multiples couches de guitares savantes, claviers tranchants et lap-steel implorantes.


D'entrée By The Wayside et ses instrumentations imbriquées placent la barre haute : un morceau tendu brillamment construit en 3 actes où les trompettes mariachis accompagnent des choeurs apocalyptiques répétant d'inquiétants "we all fall by the wayside". Batterie et basses en avant, Cisco Kid révèle quant à lui un charme psychédélique noir, en parfait écho aux paroles empreintes de paranoïa de Morrisette. No Qualms offre un sublime enchevêtrement de guitares expressives pour un résultat invitant à la transe. Plus loin c'est Shit Just Fall Apart et son rythme martial qui intriguent : le morceau est lacéré d'un étrange choeur nonchalant, et les guitares électriques tranchantes, toujours là. Chasing Ambulances, Impossible Way et Breath of Sunshine s'illustrent dans un registre plus classique et ne manqueront pas de susciter des comparaisons à Bright Eyes. Morrisette partage sans doute avec lui un penchant volontiers verbeux mais sur Run From Safety il chasse avec brio le naturel et compose un album sec et fataliste, mélodique et nerveux.
[chronique précedemment publiée sur VoxPopMag]

Octoberman
- By The Wayside (MP3)
Octoberman - Cisco Kid (MP3)


Acheter Run From Safety (2007, White Whale)


lundi 17 décembre 2007

Nicole Atkins - Neptune City


Programmée pour début septembre la sortie de Neptune City intervient finalement deux mois plus tard. La faute à des critiques alarmantes sur le travail de production de l'équipe suédoise engagée par Columbia. Dans cette première version, la voix de Nicole Atkins aurait été noyée dans le mur du son érigé par ces fameux producteurs-bûcherons. Donc si l'album que je tiens entre mes mains aujourd'hui est si brillant c'est soi-disant grâce au sauveteur en chef des naufrages annoncés, j'ai nommé le tout-puissant Rick Rubin, venu in-extremis appuyer sur les bons boutons et tirer sur les bonnes manettes pour rendre cette galette écoutable. Mais si vous voulez mon avis, la jeune Nicole y est pour beaucoup aussi, tant cet album tient les promesses du Bleeding Diamonds EP sorti l'année dernière. On retrouve donc avec plaisir le souffle lyrique et grandiose, volontiers pompier même, de ses compositions. A son meilleur, elle évoque le charme onirique d'une Paula Frazer qui aurait été boostée aux hormones. Vocalement époustouflant, mélodiquement excessif, ambitieux mais parfois boursouflé, Neptune City a peut-être les défauts de ses qualités mais permet de placer Nicole Atkins sur la carte des chanteuses à suivre.

Nicole Atkins - War Torn (MP3)
Nicole Atkins - Brooklyn's On Fire! (MP3)


Nicole Atkins - The Way It Is


Acheter Neptune City (2007, Columbia)

mercredi 12 décembre 2007

Nellie McKay - Obligatory Villagers


Après des tourments avec Columbia autour de la longueur de son précédent album (Pretty Little Head), et désormais libre de la pression d'une major, Nellie McKay nous revient avec un 3ème album, Obligatory Villagers, qui dépasse à peine les 30 minutes. Oui mais voilà, il s'agit de la demi-heure de musique la plus délicieusement baroque qu'il nous ait été donné d'entendre cette année. 9 petits morceaux sur lesquels la New-Yorkaise - qui peut fièrement s'enorgueillir d'avoir entièrement écrit, arrangé et orchestré ce bijou - fait s'entrechoquer avec malice jazz et pop, comédies musicales de Broadway et hip-hop. Accompagnée d'un véritable big-band, elle passe au peigne fin de son humour et de sa fausse candeur les ruminations politiques de la libérale qu'elle est. Sur Mother of Pearl, c'est aux féministes qu'elle s'en prend ("feminists don't have a sense of humor/they have a tumor on their funny bone") dans un hilarant exercice d'auto-dérision, numéro de piano-bar claquettes inclus. Les cuivres rutilants se font la part belle sur le parano Identity Theft tandis que Nellie nous gratifie de quelques passages rappés! Galleon nous fait entrer dans les coulisses animées d'un spectacle de Broadway ("saturday night in the men ensemble room/starting a fight in the men ensemble lair") : solo de saxophone vs solo de guitare, cette fille ne se refuse rien; l'auditeur jubile. Des effluves latinos s'échappent de Politan, morceau tragique et douloureux, preuve que Nellie McKay sait aussi nous faire pleurer quand elle veut. Il serait mal venu de parler de clou du spectacle dans un album qui recèle tant de moments forts, mais Testify emporte tout sur son passage dans une ferveur gospel qui devrait en convertir plus d'un. Ce qui nous conduit naturellement dans le Sud profond, où la malédiction du bayou, choeurs de mort-vivants à l'appui, nous condamne à danser la danse du Zombie. Mais vraiment, que ne ferait-on pas pour les beaux yeux de Nellie?

Nellie McKay - Identity Theft (MP3)
Nellie McKay - Testify (MP3)


Acheter Obligatory Villagers (2007, Hungry Mouse)

Cette chronique est aussi publiée sur VoxPopMag.

jeudi 6 décembre 2007

Bonnie Prince Billy - Ask Forgiveness


Will Oldham a toujours montré un goût singulier pour l'exercice de la reprise. L'éclectisme de ses choix ne doit pas masquer le soin avec lequel il s'empare des chansons des autres. C'est donc avec la même sincérité qu'il reprend aussi bien Tim McGraw que Judee Sill, les Cranberries que Leonard Cohen, David Allan Coe que Bob Dylan. Il s'en est fallu de peu pour qu'il ne sorte aucun disque en 2007, mais revoilà finalement Bonnie Prince Billy avec un mini-album de reprises certes moins décoiffant que la collaboration de l'année dernière avec Tortoise (The Brave and the Bold) mais tout de même superbe. Cette fois-ci il s'est entouré de Meg Baird et Greg Weeks d'Espers pour accoucher de 8 interprétations. Le choix le plus farfelu est à trouver à la fin de l'album avec une relecture touchante du World's Greatest de R Kelly tandis que la version la plus fidèle est celle du morceau d'ouverture, I Came To Hear The Music, de l'immense et mésestimé Mickey Newbury. L'occasion de dénoncer un scandale : la plupart des albums de Mickey Newbury attendent toujours d'être réédités en CD.

Bonnie Prince Billy - I Came To Hear The Music (MP3)
Mickey Newbury - I Came To Hear The Music (MP3)


Acheter Ask Forgiveness (2007, Drag City)

dimanche 2 décembre 2007

Steve Earle - Washington Square Serenade


"Won't be back no more, boss, you won't see me around. Goodbye, Guitar Town" chante Steve Earle sur Tennessee Blues, le morceau d'ouverture de son nouvel album, Washington Square Serenade. Plus de 20 ans après Guitar Town, son premier album qui fit l'effet d'une bombe sur l'establishment de Nashville, Steve Earle semble vouloir tourner la page. New York est sa nouvelle ville d'adoption et Allison Moorer sa nouvelle femme, ce disque sera donc un hommage à la première et une déclaration d'amour à la seconde. Produit par John King des Dust Brothers qui introduit ci et là quelques beats hip-hop, Washington Square Serenade respire davantage la plénitude de cette nouvelle vie que la rage politique de Jerusalem et Revolution Starts... Now. La présence vocale constante de son épouse ne fait qu'ajouter grâce à ce tableau idyllique.

Steve Earle - Tennessee Blues (MP3)
Steve Earle - Days Aren't Long Enough [feat. Allison Moorer] (MP3)


Acheter Washington Square Serenade (2007, New West)