lundi 25 février 2008

Oakley Hall - I'll Follow You


Certains appellent ça de la country, mais le 3ème album (comme les 2 premiers) d'Oakley Hall est aussi country que l'album de Johnny est blues. Disons donc country par les franges, et sous une bonne couche d'influences diverses; country urbaine passée à la moulinette de filtres psychédéliques pour aboutir à un résultat aussi éblouissant et hypnotique que l'entrelacement de couleurs qui orne la pochette de I'll Follow You. Cet album est excellent pour plusieurs raisons et estimable pour une en particulier : sa formidable capacité à faire surgir le beau du laid et le laid du beau. Le laid ici ce sont les guitares agressives et distordues, les claviers menaçants et les choeurs parfois fantomatiques. Le beau, l'inoffensif oserai-je dire, est à trouver dans des lignes de banjo paisibles, un fiddle enchanteur et des harmonies joliment réglées. Cette bataille esthétique divise l'album en deux parties (les morceaux lumineux/les morceaux sombres) mais se retrouve aussi à l'intérieur même de plusieurs chansons, dans le sens où l'équilibre du morceau est susceptible à tout moment d'être menacé au détour d'un arrangement fourbe, d'un riff incontrôlé ou d'un beat frénétique. Placé pile au milieu de l'album, le morceau-titre représente le point d'équilibre du disque, construit autour d'une guitare sinueuse et d'un chant flottant, un chef d'oeuvre aérien, ni trop beau ni trop laid, juste parfait.

Donc I'll Follow You devrait contenter tout le monde, les grincheux et les optimistes, s'écouter les jours de blues et les jours de joie, en hiver et en été. Un kaléidoscope de sons et d'émotions pour un album horriblement beau et magnifiquement laid.
[chronique précédemment publiée sur VoxPopMag]

Oakley Hall - No Dreams (MP3)
Oakley Hall - I'll Follow You (MP3)
Oakley Hall - Angela (MP3)


Acheter I'll Follow You (2007, Merge)

lundi 18 février 2008

Charlemagne - We Can Build An Island


"I don't write songs for lovers I write songs for saints" : les choses étant ainsi posées, le 3ème album de Charlemagne peut débuter sur Crushes et son tapis de guitares feedback. Pour un peu l'auditeur distrait aurait du mal à reconnaître le groupe de Carl Johns qui nous avait laissé sur l'impression légère des vignettes pop de Detour Allure (2006). De fait, enregistré live analogique à Tucson, We Can Build An Island sent davantage l'effort de groupe classique que les bricolages faits maison - méthode de travail habituelle de Charlemagne. Carl Johns n'avait-il pas monté Charlemagne en réaction aux lourdeurs de son collectif alt-country Noahjohn? Peut-être mais cette fois-ci Johns change son fusil d'épaule en ouvrant Charlemagne à deux nouvelles recrues - Matt Ricchini (batterie, percussions, guitares) et Michael Heinzer (basse). We Can Build An Island est un bel exercice garage-pop, situé quelque part entre le Velvet Underground et les Byrds. Une bonne partie de l'album dose avec adresse guitares ombrageuses (le bruitiste You Tipped Your Toes In Blood) et riffs sautillants (Quivers On A Overpass, The First Day of Spring), sur lesquels se posent des refrains scandés et des mélodies discrètement subtiles (You Are My Diary, New Train). A côté de ce beau déploiement d'énergie, l'autre facette du disque réside dans 4 morceaux plus folk, empreint d'une mélancolie et d'une noirceur rappelant l'americana gothique de Noahjohn parmi lesquels le bouleversant Saturn Return qui fait penser aux Shins dans leurs expressions les plus lunaires et Until We Are Called, sorte d'incantation lancinante qui effectivement semble avoir été écrite pour les saints.
[billet initialement publié sur VoxPopMag]

Charlemagne - You Are My Diary (MP3)
Charlemagne - Saturn Return (MP3)


Acheter We Can Build An Island (2007, SideCho)


vendredi 15 février 2008

Christopher Denny - Age Old Hunger


Christopher Denny possède un étonnant organe vocal, capable de pirouettes périlleuses, androgyne et puissante, bref une voix casse-gueule. Et pourtant non la catastrophe n'a pas lieu, Denny s'en sert avec le tact et la finesse qu'elle mérite. Qu'il l'a pose sur des mid-tempos acoustiques bien dosés (Westbound Train) ou des chevauchées country endiablées (Time), il s'en sort toujours avec les honneurs. Tout de suite on pense à Jimmie Dale Gilmore, pionnier de la vague americana avec les Flatlanders à la fin des années 70. L'utilisation répétée de l'orgue tend à ajouter une saveur soul/gospel à des compositions dont les sujets s'inspirent pour la plupart des déboires amoureux de ce jeune homme de 23 ans originaire de Little Rock en Arkansas. Pour l'exercice de la reprise, Denny s'attaque à 2 chanteurs aux capacités vocales connues pour être limitées. Le I Still Miss Someone de Johnny Cash et le Loving Her Was Easier (Than Anything I'll Ever Do Again) de Kris Kristofferson ressortent respectés mais quelque peu décoiffés par le souffle vivificateur de la voix de Denny.

Christopher Denny - Gipsy Into A Carpenter (MP3)
Christopher Denny - Loving Her Was Easier (Than Anything I'll Ever Do Again) (MP3)


Christopher Denny - Westbound Train - Live at Niagara, East Village, New York 2/25/07


Acheter Age Old Hunger (2007, 00:02:59)

vendredi 8 février 2008

Clare Burson - Thieves


Les étranges références glanées ici et là à Lucinda Williams ne doivent pas tromper. Clare Burson possède sa singularité qui réside dans une sorte de poésie aérienne assez différente du blues mélancolique et terrien de Williams. Sa voix porte admirablement bien des textes empreints d'images fortes comme sur le fantomatique Boat of Leaves (I’m gonna send you down the river/on a boat made of leaves/and i’ll watch you from the harbor/i’ll watch you as it sinks). Des morceaux comme Thieves, 1000 Miles, ou la reprise de These Boots Are Made For Walking montrent la chanteuse évoluer aisément dans un registre americana solide (genre Kathleen Edwards). Mais son talent s'épanouit encore mieux sur des plages vaporeuses (Always Be, Let Me Lose Me), moins structurées (Edge Of Town) et où sa voix déploie tout son charme mystérieux.

Clare Burson - Boat Of Leaves (MP3)
Clare Burson - Thieves (MP3)

Acheter Thieves (2007)


samedi 2 février 2008

Tyler Ramsey - A Long Dream About Swimming Across The Sea


Tyler Ramsey, originaire de Asheville, Caroline du Nord, est doté d'une belle voix nasale et d'un impressionnant talent de guitariste (John Fahey souvent cité en exemple). Son deuxième album s'intitule A Long Dream About Swimming Across The Sea, ce qui est aussi une bonne description de l'effet que procure l'écoute de ces longues plages de folk plus ou moins éthérées. Par moment, on croirait vraiment entendre des morceaux inédits de Mark Kozelek. Les fans de ce dernier s'en raviront mais Ramsey est bien plus qu'un folkeux sous (bonne) influence. Ah et j'allais oublier, Tyler Ramsey tient à ses heures perdues la guitare dans un petit groupe baptisé Band of Horses. Vite, plongeons avec lui dans ce long rêve...

Tyler Ramsey - A Long Dream (MP3)
Tyler Ramsey - Ships (MP3)


Acheter A Long Dream About Swimming Across The Sea (2008, Echo Moutain Records)